Fanny de Chaillé engage un théâtre du corps où elle aime séparer texte et mouvement pour mieux ré-agencer leur rencontre. C’est dans ce jeu d’échanges entre corps et voix que les écarts et distorsions se créent, que le langage gagne en physicalité et en plasticité. Ses pièces, projets et installations ne s’inscrivent pas dans un champ disciplinaire figé, plutôt les superposent, sur les plateaux ou en dehors (galeries, salles de concert, bibliothèque, amphithéâtre universitaire). Ses dernières créations reflètent cet intérêt pour les dispositifs et les modes d’adresse et d’écoute, qu’il s’agisse de redonner voix et corps au discours inaugural de Michel Foucault au collège de France (Désordre du discours, 2019), de faire collectif autour de dix jeunes comédiens de l’ADAMI (Le Chœur, 2020), de croiser les générations (Les Grands, 2019), ou de revisiter l’album Transformer de Lou Reed dans un format tout terrain (Transformé, 2021).
Sa dernière création Une autre histoire du théâtre, dépose entre les mains de quatre jeunes acteur.rice.s, l’histoire de l’art dramatique et ses mutations esthétiques en jeu depuis les années 1920. Ils s'en s’emparent avec des moyens simples, dans un théâtre de la relation qui met en résonance formes, gestes et écritures avec les enjeux politiques et sociaux contemporains.
Sa façon de ne pas s’inscrire dans une discipline précise, bien qu’elle se définisse comme chorégraphe ou metteur en scène, se manifeste dès ses années de formation en Esthétique à l’université Paris Sorbonne, où elle s’intéresse, entre autres, à la poésie sonore. Au milieu des années 90, elle devient assistante à la mise en scène auprès du chorégraphe Daniel Larrieu, dramaturge auprès d’Emmanuelle Huyn, Boris Charmatz, Alain Buffard, elle joue, danse et réalise des films. En parallèle de ces places et expériences créatives mouvantes, elle monte dès 1995 ses propres performances et installations, où déjà la langue se travaille comme un objet plastique, et des spectacles pour la scène dès 2003,
Commence alors un parcours artistique tout en écarts, qui a toujours le besoin, le désir, d’explorer le dispositif théâtral, le mettre à mal pour créer des décalages entre textes dits, enregistrés, et présences. Entre voix et mouvement chorégraphié.
Elle s’appuie tout autant sur des textes littéraires (Hugo von Hofmannsthal pour le Groupe, Georges Perec pour Le voyage d’hiver, Thomas Bernhard pour Je suis un metteur en scène japonais), que sur la culture musicale rock et populaire - Karaokurt (1996), Gonzo conférence (2007), Mmeellooddyy Nneellssoonn (2012), Transformé (2021) -, ou sur des écritures de plateau (le Chœur, les Grands).
Fanny de Chaillé multiplie les collaborations tout autant qu’elle cultive les fidélités, avec des interprètes - Christine Bombal, Christophe Ives ou Guillaume Bailliart -, mais aussi avec l’écrivain Pierre Alferi (Coloc, Répète, Les Grands), la musicienne Sarah Murcia (Transformé, My mother is a fish) ou la scénographe Nadia Lauro (Les Grands, La Clairière, Chut…)
Elle s’engage aussi dans la transmission et la formation, anime de nombreux workshops dans des écoles d’art (Nantes, Cergy, Quimper…), de danse (CNDC d’Angers, CND Pantin et Lyon..), et intervient dans le master de création littéraire de Paris 8.
Artiste associée de Malraux - Scène nationale Chambéry-Savoie (2014-2022), du CND Lyon (2017-2020) ou invitée par la Maison des Métallos (CoOP - 2020), Fanny de Chaillé aime inventer des dispositifs de circulation des savoirs, de mise en partage des pratiques avec des amateur.rice.s (La Bibliothèque, Les Grands et Projet Kids), de renouvellement des relations entre le public et les œuvres.
En janvier 2024, elle prend la direction du du Théâtre national de Bordeaux Aquitaine (TnBA) et de son école (Estba).